Un référentiel commun Belgique – France – Québec

Repenser les pratiques socio-judiciaires
pour (mieux) protéger les victimes
de violences conjugales

Sous la coordination de :

Dima Karadsheh

Anne-Catherine Rasson

Céline Rossini

Agathe Willaume

Préface de :

Géraldine Mathieu

A propos

Ces dernières années, de nombreuses recherches menées en Europe, aux États-Unis et au Canada convergent vers les mêmes constats : la violence dans le couple est insuffisamment détectée, peu documentée et souvent confondue avec un « conflit conjugal ». Il en découle une protection défaillante des victimes dans leur parcours socio-judiciaire et une difficulté à faire cesser les comportements violents des auteurs.

Cet ouvrage se propose de changer les représentations et regards, en offrant de nouvelles clés d’analyse grâce aux récentes avancées dans les champs de la sociologie, de la psychologie, de la criminologie, du droit et des neurosciences.

La violence conjugale ne se limite pas à des actes visibles et ponctuels. Elle s’installe le plus souvent insidieusement dans le quotidien, sous forme de pressions psychologiques, économiques, sexuelles, de dénigrement, de menaces, de surveillance… Ces différentes stratégies portent un nom : le contrôle coercitif.

L’impact du contrôle coercitif est profond, durable. Il touche autant les victimes adultes — majoritairement des femmes — que les enfants.

Cet ouvrage élabore un référentiel commun, construit, dans une démarche pluridisciplinaire, à partir des recherches, des pratiques et des analyses croisées entre la Belgique, la France et le Québec. En intégrant une perspective de genre, il rassemble des concepts-clés, offre des repères pour aider les professionnel·les à mieux appréhender le phénomène des violences, y compris en contexte post-séparation, et déconstruit les mythes traditionnels, en les repensant à la lumière des droits humains, des recherches scientifiques et de décisions judiciaires innovantes.

Il constitue ainsi un outil essentiel pour penser autrement, mieux agir, et protéger efficacement celles et ceux qui sont les victimes de violences conjugales, spécialement les femmes et les enfants.

Changer le regard. Renforcer l’action. Protéger les victimes.

Découvrez cet ouvrage essentiel pour penser autrement, mieux agir, et protéger efficacement celles et ceux qui sont les victimes de violences conjugales, spécialement les femmes et les enfants.

Contenu

Partie I.

Mise en contexte – Pour une nouvelle approche des violences conjugales

Partie II.

La naissance d’un nouveau paradigme relatif aux violences conjugales

Partie III.

Du côté du droit : les évolutions vers l’intégration de ce nouveau paradigme dans le champ juridique

Partie IV.

Du côté des auteurs et des victimes de violences conjugales

Partie V.

Et l’enfant dans tout ça ?

Partie VI.

La violence conjugale en contexte post-séparation –Des mythes à déconstruire et des pièges à éviter

Partie VII.

Conclusion : Penser autrement pour mieux agir et protéger efficacement les victimes

Extraits

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« Mon profil ne vous intéressera pas. C’est pas vraiment des violences. Disons que j’ai pété le nez de ma femme, enfin, dévié serait plus exact. Ça a été remis et il n’y a aucune séquelle. J’ai pas tapé comme un sourd non plus. C’était la paume de la main et c’était par accident. » 

Frédéric, 54 ans, directeur digital

« Elle veut un mec macho mais qui fasse le ménage, le repassage, quand il y a du bricolage, c’est pour moi. Si il faut tondre, c’est pour moi, le ménage c’est pour moi, la vidange de la voiture c’est pour moi. Mais on peut pas tout avoir dans la vie, soit tu veux un gros macho et tu fais la femme soumise à la maison et tu te tais, soit tu veux pas un macho et … voilà. »

Damien, 31 ans, chauffeur routier, sans emploi


Témoignages tirés des recherches de M. Delaunay

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Le contrôle coercitif est un « crime contre la liberté », perpétué à huis-clos (Evan Stark, 2007)

Le contrôle coercitif n’est pas une nouvelle forme de violence conjugale, c’est une grille de lecture, d’analyse, de décodage de la violence conjugale.

Evan Stark a défini le «  contrôle coercitif » comme une « conduite calculée et malveillante déployée presque exclusivement par les hommes pour dominer une femme, en entremêlant des violences physiques répétées avec trois tactiques tout aussi importantes :  l’intimidation, l’isolement et le contrôle. »28.

Le contrôle coercitif, qualifié parfois dans la littérature de « terrorisme intime »29, s’inscrit dans une dynamique de prise de pouvoir par le partenaire violent, qui s’installe petit à petit par l’entremise de manœuvres parfois subtiles et peu visibles. Il consiste en des stratégies et des comportements répétés et intentionnels de violence, mis en place par l’agresseur dans le but d’intimider, d’humilier, de dominer, de punir, d’isoler et de priver sa partenaire de sa liberté.

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Comprendre la violence conjugale, c’est dépasser l’événement pour analyser le système

Cinq questions peuvent aider à comprendre et différencier le conflit d’une situation de violences (voir la synthèse ci-après) :

  • Est-ce que le pouvoir et les décisions sont concentrés entre les mains d’une seule personne ?
  • Est-ce qu’il y a un schéma de comportements inscrit dans la durée (un ensemble de comportements abusifs visant à isoler, humilier, exploiter ou dominer une personne) ?
  • Quel est le gain recherché ?
  • Est-ce que la victime change ses habitudes et ses choix à la suite du schéma de comportements ? Par exemple : des habitudes vestimentaires, alimentaires, ses activités, etc.
  • Est-ce qu’elle craint les conséquences de ce schéma ? Par exemple : peur des représailles pour son intégrité physique, peur pour ses enfants, etc.

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La méconnaissance du psychotraumatisme nuit gravement aux victimes en les exposant à de nouvelles formes de violences : judiciaires, sociales ou médicales. Trop souvent, les symptômes liés au traumatisme ne sont pas reconnus comme des conséquences des violences subies, mais transformés en accusations contre la victime elle-même. Ce déni du psychotraumatisme contribue alors à une forme de victimisation secondaire (infra, n°69).

La question « Pourquoi les victimes ne parlent-elles pas plus tôt ? » est fréquemment posée. 

Or, les données montrent que le problème principal n’est pas tant le silence des victimes que l’invisibilisation de leur parole : 70 % d’entre elles ont parlé, mais elles n’ont été ni entendues ni protégées. Pour les 30 % restants, divers mécanismes – honte, culpabilité, peur des conséquences (ne pas être crues, minimisation, menaces), sidération persistante ou mémoire traumatique (amnésie, incapacité à nommer les violences) – ont entravé l’expression de la parole.

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L’enfant qui vit dans un foyer empreint de violence conjugale, spécialement lorsqu’il y a contrôle coercitif, en subit les conséquences par le simple fait de grandir dans un climat familial quotidien marqué par la peur, la tension et la privation de liberté. 

Longtemps considérés comme de simples « témoins », les enfants sont reconnus aujourd’hui comme des co-victimes à part entière des violences, avec des besoins spécifiques en matière de soins et de protection.  

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Auteurs

Catherine Ahélo

Avocate chez Rebâtir, Commission des services juridiques

Karina Cloutier

Avocate chez Rebâtir, Commission des services juridiques

Emilie Doutrepont

Psychologue clinicienne, thérapeute familiale, responsable clinique de la « Clinique du Lien »

Isabelle Dréan-Rivette

Docteure en droit, titulaire d’un Master de clinique criminologique et victimologique, ancienne avocate en France et au Canada, présidente de la CNVIF, membre du CRGN, autrice, magistrate

Alexandre François

Substitut du Procureur du Roi de Liège, magistrat de référence VIF, collaborateur scientique à l’UCLouvain

Elise Joyal-Pilon

Avocate chez Rebâtir, Commission des services juridiques

Dima Karadsheh

Conseillère à la Cour d’appel de Mons, juge d’appel de la famile et de la jeunesse, collaboratrice scientifique au sein de l’Unité de droit familial de l’ULB

François Lavallière

Premier vice-président au tribunal judiciaire de Rennes, coordonnateur du Pôle violences intrafamiliales, maître de conférences associé en droit pénal à Sciences Po Rennes

Anne-Catherine Rasson

Docteure en droit, chercheuse post-doctorante et maîtresse de conférences à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles et directrice adjointe d’un SRG

Céline Rossini

Chargée du développement et du transfert des connaissances, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violences conjugales

Jean-Louis Simoens

Directeur du Pôle de ressources spécialisées en violences conjugales et intrafamiliales

Agathe Willaume

Collaboratrice scientifique à l’UNamur, Unité droit de l’enfant, juriste, politologue et victimologue, certifiée en criminologie, directrice du SMAJ, créatrice de la « Clinique du Lien »

Outils


Outils de détection du contrôle coercitif

Institut pour l’égalité des femmes et des hommes en Belgique

Guide destiné à la police, aux services d’aide aux victimes et aux intervenant·es psychosociaux de la première ligne et guide destiné aux psychologues clinicien·nes


Fédération des associations
socio-judiciaires

Dans le cadre de mesures judiciaires, en pré et post sententiel, ces services sociaux d’intérêt général exercent, auprès de victimes et d’auteurs d’infraction qu’ils soient majeurs ou mineurs, des missions d’accompagnement, d’investigation et de pacification des conflits et ce sur l’ensemble du territoire français.


Outils de détection du contrôle coercitif

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Cette plateforme propose des contenus et des outils pour comprendre, repérer et agir face au contrôle coercitif, en tant que professionnel·le, victime ou proche.